« Le plus grand danger qui nous menace c’est la passivité. Nous devons agir ensemble ». Ainsi commence la vidéo qui présente le projet I-boycott, lancé par deux jeunes français de 25 et 27 ans. Leur concept : organiser des boycotts et des buycotts qui réunissent tous les citoyens et acteurs engagés désireux d’agir sur la société.
Le citoyen est au cœur du changement
La semaine dernière je publiais l’article « Aujourd’hui, les citoyens changent le monde ». De très nombreux commentaires sur la page Facebook ont évoqué le principe du boycott. « Si nous le faisons tous alors en 6 mois tout pourrait changer ». Voilà, en substance ce que vous avez écrit. Oui, combien de fois me suis-je fait cette réflexion devant les rayons de supermarché. Combien de débats passionnés avec ma famille ou mes amis abordaient ce sujet ! J’en suis convaincu, le pouvoir que nous avons, nous les citoyens, est immense. Beaucoup plus qu’on voudrait nous le faire croire.
Et pourtant. Je me fais aussi la réflexion inverse. Je me suis souvent surprise de ne pas voir émerger plus de résistance citoyenne à certaines injustices sociales et environnementales que je trouvais scandaleuses. Mais je peux comprendre. Devant mon rayon de supermarché je me sens bien seule… Je me retrouve à vouloir boycotter un produit, une marque et me dit pour me convaincre que c’est par l’exemple que je pourrai convaincre ceux qui me connaissent. Mais quand je craque, souvent sous la pression de mes enfants, je me dis que de toute façon seule je ne changerai pas grand chose. Mais croyez-moi, je continue à lutter quotidiennement ! Et j’y arrive au final pas si mal. Mais pour quel impact ?
I-boycott une solution pacifiste ?
Comme j’ai rêvé d’un boycott généralisé ! Mais pas n’importe quel boycott. Oui parce qu’en plus je suis exigeante ! Je rêve d’une action constructive, positive et non violente. Je veux réunir le plus grand nombre de personnes autour d’une cause qui a du sens pour pousser les entreprises à changer leur comportement. Dans la douceur. Une douceur efficace, tenace, forte et bienveillante. Une de celle que l’on peut difficilement critiquer.
Et ma route a croisé celle de Levent, un des co-fondateurs de I-boycott. Et là je me suis dis que quelqu’un m’avait entendu et proposait enfin un lieu où toute personne animée par les mêmes ambitions que moi pouvaient se rencontrer pour unir leur volonté ! Génial. Agir pour influencer les multinationales. Génial. Une plateforme de boycott organisé. Génial… Il me restait quand même des questions sur la volonté qui animait les fondateurs de cette résistance citoyenne. Sur l’implication réelle qu’ils attendaient de personnes comme moi. Sur les objectifs d’impact sur les entreprises visées par une campagne de boycott.
Petit rappel de leur concept. Il ne s’agit pas simplement de boycotter des marques ou des produits. Il s’agit aussi de soumettre des alternatives au plus grand nombre. Ils appellent cela le « Buycott ». A l’inverse du boycott, le buycott met en avant les alternatives. Chaque boycottant pourra proposer ou voter pour une alternative à l’entreprise cible. Un produit de consommation responsable ? Une association ou ONG éco-responsable ? Bref, I-boycott permet de valoriser des solutions positives et engagées à construire un monde plus juste. Ces solutions, vous pouvez les découvrir sur Enssemble.org.
La parole est à Levent, co-fondateur d’I-boycott !
Comment le projet I-boycott est-il né ?
Je baigne depuis mon adolescence dans le monde associatif et fais ma part depuis des années. Mais le gouffre existant entre nos gestes quotidiens et la réalité économique me décourageait. Lorsque nous avons vu les limites des pétitions, très souvent ignorées (exemple de la pétition contre TAFTA qui a été invalidée fin décembre 2014), et les enquêtes d’investigations qui pointent du doigt l’activité des lobbies et leur emprise sur notre société, nous avons décidé d’agir. Il fallait être un contrepouvoir de consommateurs et le boycott a déjà montré son efficacité par le passé. Il a cette faculté de toucher l’argent et l’image de marque, les deux piliers d’une société de consommation.
Qu’attendez-vous concrètement des citoyens sur votre plateforme ?
Nous prônons un boycott responsable et bienveillant. Un citoyen peut agir à travers un appel au boycott mais il est très important que cet appel se fasse dans un cadre qui appelle au dialogue et à l’évolution. Nous aimerions que le citoyen prenne conscience du pouvoir qu’il détient et qu’il l’utilise de manière bienveillante. Nous attendons bien sûr un maximum de soutien de leur part car il faut être conscient que ce projet, aussi enthousiasmant et prometteur qu’il soit, remet en cause pas mal de chose. Notre seule et unique force est les citoyens. Le temps est le temps du changement positif..
Quel est le portrait type du citoyen qui sera actif sur votre site ?
Il existe plusieurs profils. Le citoyen à qui nous nous adressons veut agir de manière concrète, individuelle et immédiate pour une cause précise. Il y a une soif de démocratie directe. Le citoyen doit être acteur et se sentir responsable de ses achats. Nous osons souvent dénoncer oralement un scandale mais nos achats ne suivent pas toujours cette indignation. Il faut pourtant que nous transformions ces paroles en actes et ceci bien entendu dans une dynamique collective.
Quel impact très concret sur les entreprises visées pensez-vous avoir ?
Toutes les grandes entreprises ont une cellule de veille sur le boycott. C’est un phénomène incontrôlable qui impacte fortement l’entreprise dans tous les domaines (activités, marketing, image..). Aujourd’hui, pas grand-chose n’oblige les actionnaires à faire des choix éthiques qui ne sont pas du tout intéressant au niveau des marges. Imaginez si demain des centaines de milliers de citoyens éveillés, porteurs de revendications claires contre une multinationale responsable de scandales éthiques, choisissaient d’agir ensemble pendant un délai court ? L’effet serait immédiat en particulier dans l’ère de l’information.
Notre rôle est aussi de s’assurer que cette force ne soit pas utilisée de façon malveillante pour dénigrer une marque.
Vos propositions de produits alternatifs concerneront-elles uniquement des entreprises implantées partout en France ou bien serez-vous en mesure de proposer des alternatives locales ?
Ceux sont les boycottants qui proposeront ou voteront pour des alternatives à l’entreprise cible sur chaque campagne. Montrer qu’il existe des façons d’entreprendre plus respectueuses de l’humain et de l’environnement permet l’émulation de ces solutions.
Quel est votre modèle économique ?
Pour rester sur notre philosophie, notre modèle économique repose entièrement sur l’économie de don. Actuellement, nous avons eu plus de 577 personnes qui nous ont soutenus dont 513 personnes via notre campagne de financement participatif.
D’ici le lancement de votre site en juin 2016, comment les citoyens peuvent-ils vous aider à réussir ?
Il nous faut absolument être le plus grand nombre pour notre lancement en juin, si nous voulons être un contre-pouvoir efficace. Les citoyens peuvent nous suivre sur nos réseaux sociaux, en parler autour d’eux, inviter leurs amis, être ambassadeur du projet car ce projet leur appartient. Ils peuvent bien évidemment aussi nous soutenir financièrement même à très petite échelle par mois pour devenir membre bienfaiteur de l’association.
Découvrir le site I-Boycott.org
Je suis pour ma part convaincue qu’il existe des alternatives positives engagées et solidaires pour construire le monde de demain. Nous le défendons tous les jours au travers de notre projet Enssemble.org. Il me semble que le principe d’un boycott citoyen collectivement organisé soit un accélérateur de changement.
« Seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin« . Proverbe africain.